L’église Saint-Joseph-des-Nations (1866-1875)
Rue Saint-Maur
Israël Silvestre
Veuë de l’Eglise de l’Hospital de Sainct Louis basti hors la porte du Temple, seconde moitié du XVIIe siècle, eau-forte, BnF, Estampes.
Le quartier de l’église Saint-Joseph, territoire essentiellement agricole jusqu’au début du XIXe siècle, était autrefois desservi par un ancien chemin, désormais rue du Faubourg-du-Temple, qui partait de la porte du Temple et montait jusqu’à la « Courtille », où s’étendaient jardins et vergers. On y trouvait également l’enclos de l’Hôpital Saint-Louis (aujourd’hui à l’embouchure de la rue Saint-Maur), que le roi Henri IV avait fondé pour mettre en quarantaine les malades contagieux à l’extérieur de Paris.
Dès 1606, le souverain décidait la construction d’une chapelle en dehors des murs de clôture de l’hôpital, afin d’offrir des ressources spirituelles aux habitants de la Courtille.
Artus Despagne
La Descente de la Courtille, le mercredi des Cendres, 1823, huile sur toile, 58,3 x 73,7 cm, Paris, musée Carnavalet
Dans ce quartier du nord de l’actuel XIe arrondissement, les guinguettes et les cabarets s’implantèrent peu à peu. Ces établissements ont constitué l’un des lieux de plaisirs aux confins de la capitale, qu’une clientèle d’horizons divers fréquentait pendant la semaine du carnaval.
Vers 1740, le célèbre cabaretier Jean Ramponeau (1724-1802) y créa Le Tambour Royal, à l’angle des rues de l’Orillon et Saint-Maur. Gilles Dénoyez et son épouse Marie-Geneviève Bergée ouvrirent, quant à eux, le cabaret du Grand Saint-Martin, vers 1770, dans le haut de la rue du Faubourg-du-Temple, à l’emplacement de l’actuelle Cour-de-la-Grâce de-Dieu.
Les cabarets et les guinguettes de la « Courtille » se déplacèrent ensuite au-delà du mur des Fermiers-Généraux pour échapper à l’octroi. Les Dénoyez dirigèrent avec le même succès un second établissement homonyme à Belleville. Les Dénoyez, fils, neveux ou cousins, possédèrent d’ailleurs plusieurs établissements en ces lieux au début du XIXe siècle. Ils laissèrent, tout comme Jean Ramponeau, leur nom à deux rues du XXe arrondissement.
Auguste Lepère
L’Ecluse. Canal Saint-Martin, 1890, bois de bout, Paris, musée Carnavalet
Le quartier de la rue du Faubourg-du-Temple changea de visage au début du XIXe siècle : les terres agricoles et les moulins disparurent peu à peu au profit de nouveaux quartiers urbains, de petits commerces et d’une activité industrielle, favorisés par la mise en service des canaux de l’Ourcq et Saint-Martin.
A partir de 1854, le baron Haussmann mit par ailleurs en œuvre un ambitieux programme de développement urbain de l’Est parisien : il fit réaménager la placette du Château d’Eau en une vaste place bâtie d’immeubles en pierre de taille et lança les chantiers de nouvelles artères, comme l’avenue Parmentier, qui relia la rue du Chemin-Vert à l’avenue Claude-Vellefaux, aux abords de l’Hôpital Saint-Louis.
F. Fenel, d’après T. Ballu, Architecte
L’église Saint-Joseph, lithographie imprimée, seconde moitié du XIXe siècle, publication non identifiée
En 1852, l’archevêché décida de créer la paroisse Saint-Joseph afin de desservir ce quartier en plein essor. On se mit en quête des fonds nécessaires et d’un terrain d’une superficie suffisamment importante pour la construction d’une église définitive. Dans cette attente, les paroissiens se réunirent dans un local provisoire pendant vingt-deux ans, situé rue Corbeau (actuelle rue Jacques-Louvel-Tessier).
Après avoir choisi l’emplacement d’un casernement situé entre les rues Saint-Maur et Parmentier, le Conseil municipal chargea Théodore Ballu (1817-1885) de concevoir le nouvel édifice. L’architecte venait d’achever la construction de l’église Saint-Ambroise, boulevard Voltaire, dans un style néo-roman dont il s’inspira très étroitement pour Saint-Joseph. Il imagina une « église-ilot », installée sur un grand rectangle entouré de rues, comprenant l’église, la chapelle du catéchisme et quelques bâtiments attenants.
Théodore Ballu prit le parti d’un plan longitudinal, en forme de croix latine, avec transept saillant et chevet arrondi. La façade principale repose sur un portique percé de trois arcades, à l’instar de Saint-Ambroise ou de la Trinité, bâties l’une et l’autre par le même architecte. Ce portique est surmonté d’une haute tour-clocher, comme à la Trinité, mais dont le style néo-roman rappelle les tours de l’église Saint-Ambroise. Il est percé de baies garnies d’abat-sons et flanqué de clochetons, placés aux angles de sa flèche.
La nef
Le portique s’ouvre sur la nef et ses collatéraux, dont les premières travées communiquent avec deux petites chapelles terminées en cul-de-four. La chapelle du collatéral nord abrite, selon l’usage, les Fonts baptismaux. La nef est ornée, comme à Saint-Ambroise, d’un chemin central constitué de petits tessons de mosaïque.
L’élévation de la nef comprend trois niveaux : les grandes arcades voûtées en plein cintre, la galerie du triforium et d’étroites fenêtres hautes. Les grandes arcades retombent sur de lourdes colonnes, dont le fut en pierre de Soignies (Belgique) contraste avec la pierre blanche employée à la construction de l’édifice.
Les arêtes et les doubleaux, consolidant la voûte de la nef, retombent sur de plus fines colonnes qui s’élèvent de la base des grandes arcades jusqu’aux fenêtres hautes.
L’autel du bras nord du transept
Des autels sont aménagés contre les parois orientales du transept, qui portent en outre un décor mural. La peinture du bras nord du transept représente saint Joseph, l’Enfant et deux anges au phylactère sous trois arcades. La paroi orientale du bras sud reprend la même disposition, avec le Sacré-Cœur de Jésus sous la haute arcade centrale.
La rosace du bras sud du transept
Les façades du transept comprennent deux registres : le registre inférieur, percé d’étroites baies, et le registre supérieur, orné d’une rosace, dont les vitraux colorés portent un décor d’entrelacs, de motifs géométriques et végétaux. Ces vitraux ont été créés par le peintre-verrier Eugène-Stanislas Oudinot (1827-1889). Le même artiste réalisa les vitraux de la nef et de la chapelle de la Vierge.
Une demi-lune du déambulatoire nord
L’église Saint-Joseph est rehaussée de peintures sur lave émaillée appliquées sur le tympan des portes intérieures du porche d’entrée et les demi-lunes du déambulatoire. Cette technique, remarquablement initiée à l’église Saint-Vincent-de-Paul en 1827, avait ensuite été employée pour embellir trois églises majeures du Second Empire : la Trinité, Saint-Augustin et Saint-Ambroise.
En 1876, la Commission des Beaux-arts s’adressa à Paul Balze (1815-1884), qui avait déjà expérimenté ce procédé à l’église de la Trinité. Le peintre réalisa les figures de Joseph et des apôtres pour le déambulatoire. Le dispositif décoratif en demi-lune y reprend ce que l’architecte Ballu venait d’imaginer pour Saint-Ambroise.
La chapelle de la Vierge
La chapelle de la Vierge se dresse, selon l’usage, derrière le chœur de l’église. Elle comprend trois niveaux : les grandes arcades aveugles, décorées de peintures murales illustrant des scènes de la vie de la Vierge, la galerie du triforium et les fenêtres hautes.
Les baies de l’abside sont vitrées. Les baies des travées centrales sont ornées de vitraux à l’effigie du christ, de saint Pierre et de saint Paul.
La chapelle Sainte-Geneviève
Deux chapelles latérales encadrent la chapelle axiale consacrée à la Vierge. Elles sont éclairées par d’étroites fenêtres et coiffées d’une voûte en cul-de-four percé d’un oculus vitré.
La chapelle des catéchismes, derrière le chevet de l’église
Le déambulatoire est flanqué des bâtiments abritant la sacristie et une salle de réunion, ainsi que deux petites annexes. La grande chapelle des catéchismes est bâtie derrière le chevet de l’église.
Afin de rappeler sa volonté d’accueil dans un quartier peuplé de populations aux nationalités diverses, la paroisse prit, dans les années 1980, le vocable « Saint-Joseph-des-nations ».
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